Définir ce qu’est une startup n’est pas évident, d’abord, parce que ce monde est devenu très à la mode en France. Trop à la mode, peut-être, car cet effet affuble cet univers de représentations qui le déforment et en rendent la compréhension difficile. Il est assez simple de comprendre d’où vient tout cet engouement :
• En premier lieu, il ne s’agit pas d’un mouvement franco-français, mais d’une lame de fond à l’échelle planétaire. Les réussites éclatantes d’entreprises comme Facebook, Tesla ou Uber et la mise en avant de leurs créateurs (qui n’a pas vu The Social Network ?) ont contribué à pousser des dizaines de milliers de personnes à se lancer dans l’entrepreneuriat. Les entrepreneurs à succès sont les nouvelles rock stars, et la création de startup est la nouvelle ruée vers l’or.
• La voie a été ouverte par les succès de certaines entreprises françaises ces dernières années : Blablacar, une valorisation qui a dépassé le milliard en 2015 ; Criteo introduite en bourse sur le Nasdaq en 2013 ; ou, plus récemment, le rachat de Zenly par Snap pour plus de 250 millions de dollars. Xavier Niel se détache comme l’exemple incontournable de l’entrepreneur français qui réussit contre vents et marées. Tous ces exemples montrent qu’ici aussi, il est possible de réussir dans l’entrepreneuriat. Par magnétisme, ils attirent du monde vers l’écosystème startup.
• L’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République en mai 2017 a elle aussi provoqué un sursaut dans cette mode des startups. En plus d’un symbolisme puissant – beaucoup ayant comparé le fonctionnement de la campagne d’En Marche à celui d’une startup1 –, le gouvernement et le président
lui-même affichent leur volontarisme pour soutenir l’écosystème de l’innovation et souhaitent faire de la France une « startup nation ».
• L’univers startup s’organise en France et des infrastructures lui donnent une visibilité sans précédent : le salon VivaTech organisé depuis 2016 par Les Échos et le groupe Publicis, ou encore le campus Station F, ouvert en 2017 (le « plus grand campus de startups au monde »), sont des exemples évidents. Dans le même temps, les incubateurs et accélérateurs de startups poussent comme des champignons ; les structures pour aider les entrepreneurs à recruter, à se financer ou à communiquer se multiplient.
• Les médias, friands des phénomènes de mode, servent de porte-voix aux entrepreneurs et amplifient le mouvement. Les pages des journaux business se remplissent d’articles sur les levées de fonds des startups françaises, les expressions pour les désigner fleurissent (« jeune pousse », « pépite », etc.) et les créateurs d’entreprises à succès défilent sur les plateaux de télévision.
• Ce phénomène de mode est également prégnant parce que les startups apparaissent comme le fer de lance de nouvelles méthodes de travail. Les startups ont l’air cool, sexy et en rupture avec les modèles traditionnels. Jean-baskets au bureau, baby-foot dans la cafétéria, travail de chez soi : autant de façons de travailler qui attirent. Tous ces ingrédients ont sûrement contribué à créer cette mode. Et comme toutes les modes, elle est entourée en France d’un épais voile de mystère et de fascination qui conduit à créer des légendes et des mythologies, et surtout à déformer la réalité. La mode, en outre, est cyclique : on aime détester ce qu’on avait adoré quelque temps auparavant. Il suffit de voir les réactions épidermiques aux moindres nouvelles de la Silicon Valley en 2017/2018. Certaines étaient légitimes : les faillites scandaleuses de Juicero1 ou Theranos2, le récit de l’année 2017 cauchemardesque3 pour Uber.
— Actu Foot (@ActuFoot_) October 20, 2023">
D’autres étaient contestables : les commentaires sur la rationalité du monde des cryptomonnaies4, le rôle de Facebook dans l’affaire Cambridge Analytica et l’élection de Donald Trump5. D’autres, enfin, relevaient plus du lynchage ou du brûlot, par exemple certains reportages d’investigation sur les mœurs légères et les parties fines des magnats de la tech6. Entre adulation effrénée et techlash (nom donné à ces réactions violentes à la puissance des boîtes tech), les startups sont incontestablement un objet de mode. Le groupe Public Enemy nous avait déjà prévenus en 1988 : Don’t believe the hype – il ne faut pas croire les choses trop belles que l’on nous raconte. Les startups fascinent, et cela complique leur définition. C’est pourquoi ce livre s’attache à démêler le vrai du faux et à déconstruire les représentations erronées que l’on peut avoir de l’univers startup. Pour être juste et précis, il faudra aller au-delà de l’image cool renvoyée par ces entreprises et comprendre ce qui en fait l’essence.
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Posté par Iconedev
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